(Charles Baudelaire, 1821 –1867)
人人都有自己的奇美拉
(法)波德莱尔
舒啸 译
在灰蒙蒙的阔大天空下面,尘沙遍布旷原,没有路,没有草,没有一根刺蓟,没有一株荨麻。这里,我遇到了许多人,驼背弯腰着前行。
他们人人都背负着一个硕大的奇美拉,重若一袋面粉或煤炭,或者像罗马步兵的装备。
而这头骇人的怪兽并不是僵死的重物; 恰恰相反,它用富有弹性的强健肌肉把人覆裹、压迫着; 两只巨大的爪子紧紧抓住背负者的胸膛; 它诡谲怪诞的头盘踞在人的前额之上,就像古代武士恐吓敌人的头盔。
我向其中一个人探询,问他们要去哪里。他回答说,自己对此一无所知。不仅仅他自己,别人也都不知道。不过,他们的确要去什么地方,因为一种不可征服的冲动驱使着他们前行。
奇怪的是,对于那脖子上挂着、背上粘着的凶猛怪兽,这些旅行者都没有一丝怨怒,仿佛这怪兽已经成为自己的一部分。这些疲惫而严肃的面孔没有流露出任何绝望;天空忧郁的穹顶下,他们缓缓前行,双足陷入与天空一般荒凉的尘土中,脸上是注定了要无休无止地执念于希望、无可奈何的神情。
这列旅行者经过我身边,隐没在天际。地球圆球形的表面终止了人类好奇的凝视。
有一段时辰,我执意想要理解其中的奥秘;然而很快,不可抗拒的漠然笼罩了我。那些旅行者们是在奇美拉碾压下,而我在漠然那更沉重的压迫下,愈加不知所措。
译记:这是《巴黎的忧郁》第六篇。
“Chimère”(奇美拉)是希腊神话中的喷火怪物,前部为狮,中部为羊,尾部为蛇。
后来这个词也用来指代异想天开的虚构或无法实现的幻梦。
这里,波德莱尔显然是利用了这个词的双关语义。
(希腊神话中的奇美拉)
(斯特拉文斯基《春之祭》片断)
Baudelaire 原作:
Chacun sa Chimère
Sous un grand ciel gris, dans une grande plaine poudreuse, sans chemins, sans gazon, sans un chardon, sans une ortie, je rencontrai plusieurs hommes qui marchaient courbés.
Chacun d’eux portait sur son dos une énorme Chimère, aussi lourde qu’un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d’un fantassin romain.
Mais la monstrueuse bête n’était pas un poids inerte ; au contraire, elle enveloppait et opprimait l’homme de ses muscles élastiques et puissants ; elle s’agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture ; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l’homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l’ennemi.
Je questionnai l’un de ces hommes, et je lui demandai où ils allaient ainsi. Il me répondit qu’il n’en savait rien, ni lui, ni les autres ; mais qu’évidemment ils allaient quelque part, puisqu’ils étaient poussés par un invincible besoin de marcher.
Chose curieuse à noter : aucun de ces voyageurs n’avait l’air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos ; on eût dit qu’il la considérait comme faisant partie de lui-même. Tous ces visages fatigués et sérieux ne témoignaient d’aucun désespoir ; sous la coupole spleenétique du ciel, les pieds plongés dans la poussière d’un sol aussi désolé que ce ciel, ils cheminaient avec la physionomie résignée de ceux qui sont condamnés à espérer toujours.
Et le cortége passa à côté de moi et s’enfonça dans l’atmosphère de l’horizon, à l’endroit où la surface arrondie de la planète se dérobe à la curiosité du regard humain.
Et pendant quelques instants je m’obstinai à vouloir comprendre ce mystère ; mais bientôt l’irrésistible Indifférence s’abattit sur moi, et j’en fus plus lourdement accablé qu’ils ne l’étaient eux-mêmes par leurs écrasantes Chimères.
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法国抒情诗选译
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